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Avertissement : Lecteur qui t'aventures en ces lieux, sache que l'abus de nouvelles noires est fortement déconseillé, sauf si tu as un moral épouvantablement excellent (et que tu désires aller moins bien) ou si tu es sous perfusion d'un antidépresseur de choc. Sache que les audacieux qui, avant toi, s'y sont risqués, sont morts dans d'atroces souffrances existentielles.

Quelle que soit la couleur, merci de laisser tout résidu de 1er degré à l'entrée et de veiller à le reprendre en partant.

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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 21:55
Boris terminait de lire son premier livre, un manuel de psychologie. Plus exactement l’introduction, qui offrait tous les conseils pour rater sa vie de couple. Mais Boris, non équipé de la touche « deuxième degré », avait tout noté consciencieusement, sauf le titre, et estimé inutile la poursuite de la lecture. Il retenait donc que deux êtres devaient fusionner en un seul pour former un duo parfait. Effacer la personnalité de chacun pour n’en composer qu’une, remiser les hobbys personnels, réaliser toutes les activités ensemble, tout partager.
Boris n’avait pas grand-chose à sacrifier dans l’affaire : sans passion, il ne possédait en outre aucune personnalité affirmée. Composite étrange entre le caméléon et le cloporte, il pouvait se fondre à merveille dans le décor, du moment que le dit décor comportait un canapé et un lit. A force de s’y répandre pour regarder la télé, les écailles de la peinture, ou pour soumettre son corps à des agitations spasmodiques, il parvenait même à en prendre la forme.
La fille qu’il ramena un soir tomba d’accord avec sa philosophie : elle voulait bien tout partager, ses problèmes et les revenus de Boris. Il sentit confusément qu’une erreur s’était glissée dans la phrase, mais n'eut pas le temps de prolonger sa réflexion. Elle s’installa chez lui, dans son lit, sur son canapé. Ils regardaient la télé ensemble, se penchaient en duo sur une bande dessinée, contemplaient les fissures du plafond d’un commun accord, se masturbaient conjointement. Boris aurait aussi aimé faire l’amour, mais elle lui avait expliqué qu’il s’agissait d’un hobby personnel.
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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 21:54
Boris était persuadé d’être l’homme de la vie de quelqu'un. D’une quelqu’une, si possible. Bon, mieux valait qu’elle ne soit pas trop exigeante sur la taille et le poids de son prince charmant. A part cet infime détail, rien ne clochait. Il affichait un Q.I de 88.5, soit un chiffre nettement supérieur à la moyenne des moules farcies, un sexe d’une longueur de 26 cm qui ne régressait même pas avec les années (il vérifiait une fois par an, à la visite médicale, quand la doctoresse à la poitrine débordante avait fini de le palper). D’un naturel attentionné, il retenait toujours une porte devant une dame, ce qui lui avait d’ailleurs valu quelques ennuis quand il s’était acharné sur une porte coulissante automatique. Heureusement, la réparation du système avait été facturée à son éducateur. Autre atout : son casier judiciaire était pratiquement vierge. Juste un petit hold-up de rien du tout qui serait passé inaperçu s’il n’avait pas confondu la tête du caissier avec un ballon de foot. Un brin distrait, Boris. Enfin, son sperme était d’une qualité irréprochable : une parfaite matière première pour concevoir de valeureux enfants. D’un naturel enjoué, il saurait les égayer en les lançant vers le plafond. Il lui suffirait juste de prendre garde à la hauteur de ce dernier.
En bref, Boris se considérait comme un parti intéressant pour une jeune femme pas trop regardante sur le physique, privilégiant les ardeurs sexuelles aux prouesses intellectuelles, sachant s’émouvoir de certaines maladresses et prête à offrir au monde une vigoureuse descendance. Il ne restait qu’à se mettre en chasse de la femme dont il était l’homme de la vie.
Bordel, elle se planquait où cette pétasse ?
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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 21:52
Depuis sa huitième rupture sentimentale en moins de trois ans, Boris se métamorphosait doucement en effigie de l’émotivité. Toute séparation lui devenait insupportable, dessinant dans son esprit bovin les contours de l’abattoir. Boris au café : « A demain, j’espère », murmurait-il en étreignant la main du serveur, qui le soupçonnait depuis peu d’homosexualité latente. Boris au restaurant : « Merci pour tout, merci vraiment », sanglotait-il dans les bras du maître d’hôtel, terriblement ému à l’idée de ne plus jamais revoir cet homme bon qui l’avait placé à côté des toilettes. Boris dans le métro : « Au revoir, bon courage, bonne chance à tous », lançait-il à la cantonade, l’œil humidifié. La cantonade se regardait, étonnée et quelque peu gênée, fouillant d’un air vague dans ses poches à la recherche d’une piécette. Mais Boris était déjà loin, le regard figé sur le sol du quai qui défilait sous ses lourds pas. Toutes ces rencontres, toutes ces dislocations immédiates… quelle cruauté pour l’humanité, aurait-il pu songer s’il avait eu les circuits neuronaux intégrés. Bref, ce colosse menaçait de s’effriter. Le « bonjour » de la boulangère l’emplissait de joie, son « merci, au revoir » le jetait dans le désarroi. 
Cette sensiblerie le mena droit aux urgences. Un soir qu’il rentrait du cinéma, désespéré d’avoir quitté les acteurs, Boris fut accosté par un couteau désireux de le délester de son portefeuille. Boris aurait pu se contenter de satisfaire ce simple désir d’acquisition, mais… il n’en pouvait plus de seulement croiser la route de tant d’êtres. Transformé en fontaine abondante, il voulut serrer sa nouvelle connaissance dans ses bras. La lame qui se planta près du cœur le décongestionna pour un temps de son émotivité débordante.
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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 21:51
Le cerveau télé-délavé, Boris observait sa dulcinée évoluer devant lui, la démarche bourlinguante. Amoureux jusqu’aux oreilles, le regard morveux sur tout ce qui osait la dévisager, plus jaloux qu’un essaim de tigresses, Boris surveillait à la fois la courbure de ses reins et les coups d’œil suspects alentour. Pas facile, mais ses neurones décrépis reprenaient une soudaine vigueur. Boris était le maître incontesté pour repérer à dix lieues à la ronde toute tentative de déroutage de la femme de sa vie. « Pas touche », affichait-il sur son visage potager mieux qu’un slogan sur ses T-shirts élimés.
L’amour fou ? En fait, Boris avait les lobes cérébraux qui décrochaient après une relation sexuelle. Chaque fusion épidermique le jetait dans une dépression post-coïtale qu’il confondait allégrement avec sentiment. Précisons que cet espace confiné nommé esprit n’avait jamais été aéré. A l’intérieur, ça sentait ferme le moisi. Aussi, dès que Boris localisait un regard prêt à exploser, des étincelles crépitaient dans ses yeux. Le court-circuit menaçait, la déflagration était imminente.
Mais là, point de prunelles obliques.
Ce qui aurait dû le calmer. Mais non, Boris devait décharger son agressivité pour expulser cette jalousie torride qui échauffait ses artères. Excédé, il explora les environs compulsivement, telle une tête de missile désemparée. Son radar était-il en panne ? Sa Suzanne ne plaisait-elle plus ? Il la scruta : ils avaient raison, tous ces regards indifférents, elle était moche, finalement. Il méritait mieux que cette grande surface à rénover et la planta là.
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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 21:50
Paré au décollage.
Les hormones dilatées, Boris s'acharnait à grands coups de butoir à faire décoller sa nouvelle connaissance vers le firmament. Patient, Boris. Et une vraie force de la nature : 120 kilos, 75 cm au garrot, capable de tenir la distance d'un marathon sexuel pendant des heures. Pour ne pas atteindre seul la ligne d'arrivée, il avait une recette infaillible : se réciter l'indice du Cac 40 des deux derniers mois. Han han, il était à combien le 10 avril ? De temps à autre, il jetait un coup d'oeil à sa partenaire, pour s'assurer qu'il ne la perdait pas en route, ralentissait la cadence, afin qu'elle ne se laisse pas distancer. Fair-play Boris. Un beau geste sportif comme on aimerait en voir plus souvent. Sa coéquipière, emplie de bonne volonté, s'efforçait de le rattraper. En fantasmant à mort sur l'épicier kabyle. Han han 4354.41 le 15, mmmh, oui, oh ce regard pénétrant. Le rythme s'accélérait, elle haletait comme une possédée, étouffant lentement sous le poids de la cage thoracique borissienne. Satisfait de ce fond sonore, il sprinta, un petit sourire aux lèvres, les yeux clos. Elle suffoquait de plus en plus et émit un petit cri. Le sourire de Boris s'accentua : ouf, ça y était, il pouvait lâcher l'indice du Cac au 28, il le reprendrait la prochaine fois. De toute sa puissance musculaire, il acheva le travail et hurla un Avé Maria bien senti. Olé.
Epuisé, il se laissa tomber à côté d'elle, posa sa main sur le bras encore chaud de sa voisine et s'endormit. A son réveil, il se tourna vers elle, éperdu de gratitude : elle ne l'avait pas secoué en râlant, contrairement aux précédentes. En la serrant, il la sentit un peu rigide. Et bé, quel orgasme il avait dû lui offrir pour qu'elle soit encore raide de plaisir.
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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 21:42
Sur la porte c'est écrit : « Bien-être pour l’Eternité ». Je t’en ficherai du bien-être, c'est de l’ennui en dose pure, oui ! Mon dieu, mais qu'est-ce que j’ai fait pour atterrir au paradis ? D’accord, je n’ai pas tué, très peu volé, je n’ai pas convoité le mari de mes prochaines, sauf une ou deux fois, inutile de s’appesantir sur ces maigres détails, mais quand même. Pourquoi moi ? C'est dingue ce que ça sent le renfermé. Et le vieux. L’atmosphère est vérolée, désolée de le dire. En plus, ici, pas question de râler, de critiquer, de ricaner avec ses copines en matant les mâles. Plus de dérision, d’humour noir, de causticité. Pas le droit de contredire. Et je ne vous parle pas du sexe. Ok, on n’en a plus. C'est pas une raison pour ne plus y songer. De l’amour, ça ouais, mais sans désir, de l’amour universel, j’ai rien contre, mais avec tout le monde, même les crétins désossés qui t’auraient insupporté sur terre, faut pas pousser mémé. Pis mémé, justement, qu'est-ce qu’elle fout là cette rapiasse, avec tout le mal qu’elle a fait dans sa vie ?
Je ne me suis jamais autant emmerdée. Ambiance dégarnie. Juste cette musique insipide à longueur de temps, des psaumes, des sourires. Beurk, une vraie guimauve. Bon dieu, on se croirait dans une secte. Où se planquent les contestataires, il doit bien y avoir des insurgés quelque part ? Voire des prêts à s’évader ? Bordel, ça va durer combien de temps ce cirque de béni-oui-oui ? Ouais, l’éternité, c'est marqué dessus, ça va, je sais lire, mais j’ai du mal à digérer. Et je n’ai même plus le droit à l’aigreur.
A ce rythme, je sens que je vais encore être obligée de me suicider.
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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 21:41
J'ai des bouts de toi qui me collent à la peau, aux paupières quand je m'éveille, des bouts de toi qui m'ensorcellent.
J'ai des poussières de toi qui volent au coin des yeux, des morceaux de toi qui s'éparpillent dans mes rêves, des fragments de toi scellés sur la commissure des lèvres.
J'ai des grains de toi au creux de l'épaule, des parcelles de toi disséminées dans l'air que j'aspire, avale, quête, pour qu'elles viennent en moi, comme toi, comme toi.
J'ai des miettes de toi qui démangent ma peau, des éclats de toi plein la tête, des bribes de toi accrochées à l'oreiller désert.
J'ai des copeaux de souvenirs de toi, qui peu à peu retournent à la poussière.
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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 21:40
Il avait perdu la mémoire, il ne savait plus où. Son esprit ressemblait à une terre en jachère, oubliée depuis longtemps. Il était temps d’y planter quelques graines de souvenirs. Il commença par errer dans les brocantes, là où les chroniques rejetées par des inconnus s’entassaient en piles désordonnées. Mais leur valeur était cotée, les prix bien trop élevés. Il décida de se passer d’intermédiaires et publia des annonces dans les magazines spécialisés. Des personnes de tout âge l’appelaient, lui vantant la qualité de leurs bribes de passé. Il en rencontra quelques-unes et se laissa séduire par un amour de jeunesse qui, le croyant mort au combat, en avait épousé un autre.
Malheureusement, il ne put acquérir la collection complète des mémoires de guerre, malgré les soldes pratiquées par le propriétaire, vraiment désireux de se débarrasser de ces annales encombrantes. Il traîna donc avec son souvenir d’amour perdu sans réussir à le rattacher à un événement quelconque, aussi ridicule qu’un morceau de banquise dérivant en plein océan. Il acheta à très bas prix les mémoires d’un truand pressé de liquider ce fardeau accablant avant de passer au détecteur de mensonges. Ces résurgences d’aventures multiples l’accaparèrent quelque temps. Mais que venait faire son amour perdu dans tout ce fatras ? Il n’y comprenait rien. 
Puis il se fit escroquer. Il crut acquérir une enfance heureuse et ressentit coups et brimades à travers le temps. On lui vendit une adolescence tourmentée là où il en attendait une rebelle. Torturé par ses souvenirs obsédants, il décida de les recouvrir du voile protecteur de mémoires volées. Dans les cafés, les rues, il écoutait les conversations sur les années écoulées, suivait la victime sélectionnée et lui arrachait des lambeaux de son histoire. Il tentait alors d’assembler ces pièces qui s’entassaient dans son esprit, tel un puzzle disloqué. Aveuglé par ces flashes désordonnés, il alla consulter un psy, qui ne parvint à reconstituer son passé. Incapable de se construire un présent, donc un avenir, il resta suspendu au bord du temps, comme un funambule à jamais immobile sur son fil.
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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 21:38
Il lui restait très peu de temps.
Chaque semaine, c'était la même course éperdue pour grappiller quelques minutes, dérober une heure aux vampires qui comptaient sur elle pour la nourrir. Travail, transports, foyer, la vieille litanie. Contraintes dans chaque sphère. Et le soi, où était-il passé, ce petit électron pas libre écrasé par la charge du quotidien ? Quel malheureux poids lui restait-il ? La réponse était simple : aucun.
Le temps. Avoir du temps. Prendre du temps. Le mot résonnait comme le carillon, incessant, obsessionnel. Arracher quelques lambeaux et en tisser une toile pour s'en draper. Escroquer le maître du Temps, qui la narguait, se fichait d'elle. Ou lui acheter très cher une douce plage de jours entiers sur laquelle elle s'étendrait, égrenant les secondes du bout des doigts, savourant chaque instant du bord de la langue.
Et cela arriva. Un week-end entier, seule. Ses parasites s'en allaient rôder ailleurs. Elle contempla avec ahurissement ces heures qui se profilaient à l'horizon, éclaircie, accalmie, après tant de pluie. Elle n'osait y toucher, les morceler en tranches. Tant de promesses à tenir. Lire, et puis écouter de la musique, sans braillements ni questions, errer sur les trottoirs, sans listes à remplir, entrer dans un cinéma, savourer un demi à une terrasse, regarder les gens passer, appeler une amie, prendre un bain, se maquiller, changer de coiffure, se mirer dans les yeux masculins de l'univers nocturne, dormir le matin, taquinée par les rayons du soleil...
Paralysée par la crainte que, étranglé par tant d'activités, le temps ne s'étouffe, elle préféra le regarder passer, pour mieux en déguster chaque instant, ne pas assister, impuissante, au défilé des heures, à leur lente extinction.
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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 21:37
Il la suivait partout, plus fidèle qu’un affreux clébard. Dès qu’elle entrouvrait les yeux, la pensée trébuchante, il se saisissait d’elle. Elle partait travailler, il la suivait dans le métro, les couloirs, les rues froides. Au pied de l’immeuble, il la laissait enfin : elle était très prise par la pile de dossiers qui grimpait de jour en jour vers un quelconque firmament. Mais parfois, quand son esprit se libérait pour quelques instants et que son regard s’échappait vers l’horizon barré de tours grises, il la rejoignait immédiatement. Jamais de véritables répits. Qu’elle sorte déjeuner seule ou rejoigne des collègues, il l’escortait.
En début de soirée, elle faisait parfois quelques courses, lançait une machine à laver, prenait un livre, entrait dans une salle de cinéma, rejoignait des amis, tentant de l’ignorer. Mais il était là, toujours, prenait toute la place, à chaque instant, et rien ne la distrayait vraiment de son écrasante présence. Seuls ses soucis l’éloignaient. Mais se préoccuper de son père, isolé en maison de retraite, ou des tracas quotidiens au travail n’était guère plus amusant que son invasion obstinée.
Elle savait qu’elle était condamnée à finir ses jours avec lui. Quoi qu’elle entreprît, son vide intérieur l’aspirait chaque jour davantage.
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