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Avertissement : Lecteur qui t'aventures en ces lieux, sache que l'abus de nouvelles noires est fortement déconseillé, sauf si tu as un moral épouvantablement excellent (et que tu désires aller moins bien) ou si tu es sous perfusion d'un antidépresseur de choc. Sache que les audacieux qui, avant toi, s'y sont risqués, sont morts dans d'atroces souffrances existentielles.

Quelle que soit la couleur, merci de laisser tout résidu de 1er degré à l'entrée et de veiller à le reprendre en partant.

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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 21:01
Regarder un documentaire sur l'extrême et se dire qu'il n'y a pas forcément besoin de partir aussi loin, qu'on peut connaître l'extrême en pleine ville, dans une mégalopole de presque dix millions d'habitants. Se dire qu'on va en finir avec les mots, découvrir la solitude extrême. Ça, c'est un vrai défi.
Croire au début qu'on s'est lancé un défi. Le moduler cependant. Répondre seulement à l'essentiel, histoire que personne ne vienne polluer sa solitude par son inquiétude stérile. 
Se limiter à quelques mots au téléphone, les oui, les non, travailler sa voix, pour qu'on ne vous croit pas mal. L'entraîner, la désenrouer, pour ne pas trahir ses étranges occupations. Les gens vous fichent la paix tant qu'ils vous croient normal.Détourner une question par une autre, le tout simple "et toi ?". Les autres en oublient votre existence, quand ils parlent d'eux. Quand ils se parlent à eux-mêmes, à travers le frêle miroir d'une présence qui s'en fout.
Se dire aussi qu'on en sortira quand on le voudra, contrairement au marcheur solitaire à travers l'immensité glacée. Qu'il suffit d'un geste, d'un mot, pour s'arrêter et reprendre la longue danse sur le fil des mots. Puis s'apercevoir que c'est comme le fumeur, quand il dit "j'arrête quand je veux". Demain est toujours un jour lointain. Et sans qu'on l'ait vue arriver, la dépendance est là : on a pris goût au silence, à la solitude sans mots.
Et on meurt sans un cri.

 

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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 14:34

Elle était là, devant lui, belle, nue, immobile étendue de fragilité. La blancheur de sa peau, la douceur de ses boucles brunes qu’il effleura timidement, les courbes audacieuses de ses seins, de ses hanches, la grâce de ses jambes… Tous les clichés de la femme idéale étaient enfin compactés en une seule personne. Elle était si jeune, il n’osait la toucher, malgré la tentation irrépressible de la caresser, de s’allonger près d’elle, de poser son visage contre le sien puis, enfin, tout son être. Elle l’attendait patiemment, de toute sa splendeur offerte. Aujourd’hui, son vieux rêve d’adolescent s’était incarné dans ce corps : il avait enfin rencontré la femme de sa vie.

 

Il s’approcha, lentement, se déshabilla, et s'étendit à ses côtés. Délicatement, il frôla son visage, glissa sa main le long de son corps, s’attardant sur sa poitrine, son ventre, son sexe. Le velouté de sa peau résonnait comme un appel : enfin il la pénétra, et se sentit immédiatement aspiré dans un univers sensuel et émotionnel inconnu jusque-là.

 

Puis il se rhabilla, en la contemplant avec amour. Aucune femme ne l’avait jusqu’alors comblé ainsi. Il embrassa ses paupières, ses lèvres, remonta le drap sur elle, et consulta sa montre. Zut, il était en retard, son épouse allait encore geindre. Il l’interrogea du regard : oui, elle serait fidèle au rendez-vous demain.

 

Bon, là, il était vraiment temps de s’activer s’il voulait éviter les ennuis. Il referma d’un geste brusque le tiroir et sortit de la morgue.

 

 

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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 14:32

Elle tenait une déprime à couper au couteau

Mais quand elle la trancha à la hache

Elle resta enveloppée

Autour de son cadavre

Et lui servit de linceul.

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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 14:28

La vie passe si vite, mon amour. Tu as eu vingt ans hier, t'en souviens-tu ? Il faisait froid ce matin-là, quand je t'ai croisée pour la première fois. Pendant longtemps, j'osais à peine te regarder, encore moins te parler. C'est toi qui es venue vers moi. Tu voulais apprivoiser cet ours solitaire, m'as-tu avoué des années plus tard.

 

Je t'ai épousée peu après. Tu étais si belle avec tes cheveux tressés, ton regard ensoleillé, tu as dit oui sans hésiter, moi je tremblais, mais personne n'en a rien vu.

 

J'ai tremblé souvent, vacillé parfois. J'ai toujours caché mes peurs et mes sentiments. Tu parlais, riais, te moquais gentiment, moi je faisais mine de bougonner. Je n'ai jamais été certain que tu n'aies pas été dupe.

 

Les enfants sont nés, tous avec ton sourire. J'aurais voulu être là pour les accueillir au seuil du monde mais, à l'époque, cela ne se faisait pas. J'aurais tellement aimé les promener le mercredi, seul, main dans la main, comme ces pères d'aujourd'hui. C'est avec mes petits-enfants que j'ai enfin pu réaliser cette envie, tellement enfouie que je n'en avais même pas conscience.

 

La vie passe si vite, mon amour. Te souviens-tu des grèves à l'usine ? Tu m'encourageais, portais ma révolte, me poussais à l'insurrection. Tu ne grommelais pas comme les autres épouses, emmurées dans leur peur de manquer. Tu rêvais de voir le monde changer. Il n'a jamais bougé.

 

Il y a tant de choses que je n'ai jamais osé te dire. Il y a tant de petites voix en moi qui n'ont jamais pu te murmurer à l'oreille, même dans ton sommeil, les méandres de leurs secrets.

 

Aujourd'hui tu es allongée devant moi, et je parviens enfin à te les chuchoter, tout doucement, même si je sais que tu ne te réveilleras plus.

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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 14:26
Les astronomes de toute la planète aperçurent brutalement une comète géante qui fonçait droit sur la terre. Les sonneries de téléphone crépitèrent dans tous les observatoires : aucun ne l’avait jamais vue, elle était apparue comme si elle venait de naître. Les scientifiques gardèrent leur calme jusqu’au moment où, leurs calculs achevés, ils furent obligés de prévenir leurs gouvernements : la fin du monde surviendrait dans moins de dix heures.

 

La planète sombra dans l’anarchie. Plus de châtiment, tout était permis pendant ce si court laps de temps restant à vivre. Chacun pour soi. L’instinct reprit le dessus, la nature vainquit la culture. Même les plus grands philosophes, les ascètes, les maîtres zen abandonnèrent leur maîtrise. Les humains ne disposaient même pas de ce temps précieux pour se réunir en famille, entre amis, faire dignement leurs adieux, dresser un bilan de vie. La panique libéra l’inconscient, les tabous. Des pères se précipitèrent sur leur fille, écumant de désir. Des millions de viols auraient été enregistrés si les services de police avaient encore fonctionné. Les couples se disloquaient, enchevêtrés à un voisin, un ami, un parent, un inconnu. La terre explosait dans un stupre titanesque.

 

Et puis la comète disparut, comme elle était survenue. Soudainement. Sans fracas. Les humains, hébétés, observaient le ciel désert, ce même ciel encombré par une immense masse l’instant d’avant. Ils se relevèrent et reprirent leur chemin. Avec une démarche titubante pendant quelques décennies.

 

Au-delà d’un nuage, Dieu ricanait. Il s’était bien amusé.

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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 14:22

 

L’histoire commence presque toujours de la même façon, mais peu importe les variantes. Un homme, une femme. Croisements de regards. Arrêt sur image, coup de foudre. Embrasement des sens, extinction des souvenirs, plus rien n’existe, à part eux, seuls sur terre, yeux dans les yeux, corps à cœurs. Instants chavirés. Fragments d’éternité. Puis, doucement, le monde se remet à tourner. Projets. Promesses enrubannées. Photos sur papier glacé. Premiers souvenirs, qu’on s’empressera d’oublier quand l’histoire aura jauni. Place dans les armoires, nouvelle chaise à la table familiale, amicale, sociale. Mélange de bibliothèques et de canapés, des sous-vêtements dans la machine à laver, des corps un soir sur deux. Puis sur trois. Puis parfois. Reproches voilés. Insinuations aiguisées. Critiques affûtées. Plaintes suintantes, gémissantes, hurlantes. Silence.

 

Silences.

 

Son principal : la télé. Même plus en bruit de fond. Elle s’est fait un lavage de cerveau, raisonne en termes d’enfants, d’argent, de soldes sur le blanc. Le reste, elle s’en fout. Plus le temps. Plus d’envie. Lui se momifie. S’étiole, s’écrase, et choit en méduse de canapé.

 

Histoire flasque, fermentée. Promotion Liberté. Si un(e) inconnu(e) passe par là et, d’un regard, aide à se redresser. Le cœur qui frissonne, le corps qui soudainement se souvient et veut goûter à nouveau cette vie qui palpite. Clap de fin, clap de début. Lumière, étoiles dans les yeux, serments fiévreux. Et la ronde continue, éternelle, à battre de l’aile et ricaner.

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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 14:19

Suçotant distraitement le sexe de Jules, Laura comprit soudainement qu’elle arrivait à saturation. Pas seulement de l’épisode lècheries et autres succions, mais des hommes, tout simplement. Cette constatation la laissa bouche-bée un court instant, le temps pour Jules de gémir de protestation. Laura se remit à la tâche en mâchonnant cette triste pensée. Comment allait-elle maintenant occuper ses loisirs ? « Les feux de l’amour » l’ennuyaient depuis longtemps, et les fictions réalités de TF1 et de M6 ne l’aspiraient pas plus que cela. Et puis Jules allait la quitter. Laura haussa les épaules immédiatement : que lui importait qu’il parte, il ne lui était pas plus indispensable que les autres pris individuellement. Par contre, collectivement, comment allait-elle bien pouvoir se passer de ces câlines sucreries, de cette chaleur battant dans la bouche comme un cœur de moineau dans la main, frêle vie tenue à sa merci, instant de puissance infinie ? Autant se priver de crêpes nutella chantilly. D’un autre côté, se forcer quand l’écœurement pointe risquait de la mener au dégoût prolongé. Laura frissonna. Jules aussi, par ricochet. Vertige de l’écho des corps, quand sombre enfin la pensée.

 

Consciencieusement, Laura passa en revue le sexe de Jules avec sa langue et ses lèvres ainsi que les opportunités d’occupations pour les prochains mois. Cours de danse, de cuisine, de yoga ? Déjà fait. De philo, de violon ? Bof. Platon et Kant l’emmerdaient tout autant que Yehudi Menuhin. Jules haleta de plaisir passif, elle soupira d’ennui prospectif. Sa vie allait-elle s’étaler ainsi sous cette épaisse couche de lassitude ? Et si elle tombait enceinte, pour expérimenter de nouvelles sensations ? Après tout, elle allait avoir quatorze ans et se devait d’honorer l’étiquette d’enfant précoce fièrement affichée par ses parents.

 

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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 13:51

De l'utilité d'étudier la position exacte des organes avant toute décision.

 Il avait décidé

 De couper la tête à ses sentiments.

 Armé d'un marteau et d'un pic

 Il se brisa le coeur

 En les guillotinant.

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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 13:49

Rome, an 60 : J’espère qu’il ressemblera un peu à Dimitrius, qu’il sera grand, fort et généreux comme lui. J’ai questionné l’esclave de Mère, mais elle ignore tout. Je sais juste que le mariage est pour la prochaine lune, si les augures sont favorables. Je le rencontrerai le soir des fiançailles, quand il m’offrira la bague. Je ne peux m’empêcher de rêver et, quand je ferme les yeux, sans cesse je vois le visage de Dimitrius.

Toute une vie sans lui, j’ai envie de mourir.

 

1312 : Ce sera le jour de mes seize ans. Mon époux me sauvera des flammes de l’enfer en me rendant mère. Si je n’enfante pas, je serai répudiée. Et promise à la damnation. Sauf si j’entre au couvent. Je prie Dieu tous les jours qu'il m'accorde, dans son infinie grâce, d’être féconde. Je ne veux pas passer mon existence au couvent.

 

1695 : Nous sommes promis l’un à l’autre depuis nos cinq ans, les fermes familiales s’en porteront mieux. Il est un peu rustre, le Pierre est plus beau, mais c'est un brave gars, honnête et dur à la tâche. Je ne serai pas malheureuse avec lui. J’aurai toujours de quoi manger, sauf s’il y a une nouvelle famine. Et il me fera de solides enfants.

 

1849 : Il est ma dernière chance de ne pas finir vieille fille, isolée et pauvre. Il est un peu plus âgé, de quinze ans, notaire, veuf, sans enfant. J’ai accepté sa demande ce soir. Nous vivrons dans sa maison, spacieuse et confortable, j’aurai une bonne. Il veut un fils. J’appréhende la nuit de noces.

 

1914 : C'est le grand frère d’une de mes élèves, je ne pensais pas rencontrer un homme comme lui en arrivant dans ce village. Nous avons les mêmes idées, les mêmes envies de progrès social, rêvons tous deux d’une vie meilleure. Nous réaliserons de grandes choses ensemble, j’en suis sûre. Nos projets sont un peu retardés, il part demain à la guerre. Nous nous marierons dans quelques mois, quand elle sera terminée.

 

1942 : Je l’ai connu dans notre réseau, je ne peux pas dire le nom. On se voyait dès qu’on le pouvait, pas très souvent, en secret. Je craignais que mes parents me mettent à la porte en apprenant que je fréquentais un juif, avec leurs sales idées. Maintenant, ils n’en ont plus besoin. Je suis dans ce train, encerclée par la peur et les pleurs, la terre tremble, et pourtant, la seule chose qui m’obsède, c'est le regret de son corps, de ne pas avoir osé me donner à lui. Pas avant le mariage. Comment aurait-on pu se marier ? Je n’ai pas su transgresser cette valeur dépassée.

 

1960 : Un jour, mon prince viendra. Il sera beau, riche et célèbre, il m’emmènera partout sur la planète, on vivra dans des palaces. Et jamais plus je ne reverrai cette cité pourrie.

 

1980 : Deux mariages et trois concubinages à mon passif. Est-ce que je tente le challenge une fois de plus, ou est-ce vraiment sans espoir ? Tout ça pour payer moins d’impôts.

 

2006 : C'est notre première nuit ensemble. Bon amant. Je ne peux m’empêcher de rêver un peu, de l’imaginer en père. Mais veut-il des enfants ? Je sais si peu de lui. Qu'est-ce qu'il aime, déteste, quelles sont ses manies ? Sait-il cuisiner, bricoler, que lit-il ? Et puis ça va durer combien de temps, cette fois ? Au fond, ai-je vraiment envie de me marier ? Ou même de m’engager dans une relation ? Mais toutes mes amies ont quelqu'un, et je me sens si seule.

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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 13:46
J'ouvre la porte et sens immédiatement que quelque chose n'est pas normal, à je ne sais quel infime détail. J'entre, pose dans un geste machinal les clés sur le chiffonnier à côté de la porte. Elles tombent à terre : le meuble a disparu. Dans le salon, un fauteuil et la table basse manquent à l'appel. Le verdict tombe : cambriolage. Avec main basse sur la chaîne hi-fi, le lecteur DVD. Les rayonnages de la bibliothèque semblent plus aérés, je m'approche, la rage monte : disparition de Bukowski, Fante, Houellebecq, et bien d'autres. Du côté des CD, peu de rescapés. Bien entendu, le voleur n'aime pas les cassettes vidéos. Ecoeurée, je vais dans la cuisine me servir un verre. Et constate l'expatriation du four et d'une partie des assiettes. Le réfrigérateur soupire : trop vieux pour l'exil. Dans la chambre, un placard est ouvert, vide. Etrangement, je ne me souviens plus de son contenu. Je m'écroule sur le lit, tend la main vers le téléphone. Sur l'oreiller, une lettre. Quelle délicatesse chez ce cambrioleur, il va sans doute s'excuser d'avoir les mêmes goûts littéraires, musicaux, cinématographiques? M'annoncer délicatement qu'il m'a quand même laissé quelques chef-d'oeuvres ? J'ouvre. Deux lignes à peine : « Je te quitte. J'ai emporté mes affaires, sauf la plaque électrique, sinon tu mangerais froid. Je t'enverrai les clés ».

 

Quelle étrange sélection tisse la mémoire. Je me souviens de chaque livre, du dessin de chaque assiette disparue, mais aucune trace de celui qui m'a écrit et avec qui j'ai vécu.

 

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