11 février 2010
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Regarder un documentaire sur l'extrême et se dire qu'il n'y a pas forcément besoin de partir aussi loin, qu'on peut connaître l'extrême en pleine ville, dans une mégalopole de presque dix millions d'habitants. Se dire qu'on va en finir avec les mots, découvrir la solitude extrême. Ça, c'est un vrai défi.
Croire au début qu'on s'est lancé un défi. Le moduler cependant. Répondre seulement à l'essentiel, histoire que personne ne vienne polluer sa solitude par son inquiétude stérile.
Se limiter à quelques mots au téléphone, les oui, les non, travailler sa voix, pour qu'on ne vous croit pas mal. L'entraîner, la désenrouer, pour ne pas trahir ses étranges occupations. Les gens vous fichent la paix tant qu'ils vous croient normal.Détourner une question par une autre, le tout simple "et toi ?". Les autres en oublient votre existence, quand ils parlent d'eux. Quand ils se parlent à eux-mêmes, à travers le frêle miroir d'une présence qui s'en fout.
Se dire aussi qu'on en sortira quand on le voudra, contrairement au marcheur solitaire à travers l'immensité glacée. Qu'il suffit d'un geste, d'un mot, pour s'arrêter et reprendre la longue danse sur le fil des mots. Puis s'apercevoir que c'est comme le fumeur, quand il dit "j'arrête quand je veux". Demain est toujours un jour lointain. Et sans qu'on l'ait vue arriver, la dépendance est là : on a pris goût au silence, à la solitude sans mots.
Et on meurt sans un cri.
Published by Valérie Bezard
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dans
Nouvelles noires